Hahn et Strassman ont réalisé, quelques années avant le début du projet, la première fission. Par contre, même si elle a été démontrée théoriquement, aucune réaction en chaîne maîtrisée n'a encore été réalisée.
Le principe de cette réaction paraît simple : les neutrons supplémentaires émis par la fission d'un noyau peuvent à leur tour fissionner d'autres noyaux.
Mais, pour faire une réaction en chaîne, il faut avoir une quantité suffisante de matière fissile, appelée masse critique. Ce paramètre est essentiel, car si la quantité est trop peu importante, trop de neutrons émis sont perdus, et la réaction n’est pas entretenue. L’explosion ne peut dès lors plus avoir lieu.
Une masse de matériau fissile est donc qualifiée de critique lorsqu’elle est capable d’engendrer une réaction en chaîne. Plusieurs facteurs sont pris en compte dans le calcul de cette masse, comme la forme que prend la matière (sphère (forme compacte) : minimum de contact avec l’extérieur = moins de neutrons perdus), sa taille (le plus compact possible), sa pureté, et sa composition isotopique.
Elle se calcule avec la relation suivante, après une estimation du nombre de neutrons perdus :
k=f-I : f est le nombre de neutrons relâchés en moyenne lors de la réaction en chaîne par la fission d’un atome, et I est le nombre de neutrons perdus (ils s’échappent du système ou ils sont capturés par d’autres atomes sans provoquer de fission).
Quand k<1, la masse est dite sub-critique.
Quand k=1, la masse est dite critique.
Quand k>1, la masse est dite super-critique.
La première réaction en chaîne auto-entretenue est réalisée le 2 Décembre 1942 par Enrico Fermi à l’université de Chicago, dans une ancienne salle de squash. La première pile atomique est constituée de 6 tonnes d’uranium et de 36 tonnes d’oxyde d’uranium entourées de 50.000 blocs de graphite pur (400 tonnes de carbone). Le graphite sert de modérateur de neutrons. Le contrôle du système est obtenu grâce à des barres de Cadmium immergées dans la masse, chargées d'absorber les neutrons libérés. Lorsqu'elles sont retirées, la réaction commence. Il suffit de les replonger dans la masse pour arrêter la réaction. Sa puissance est très faible (un demi watt), car Fermi a du la modérer à cause de l’absence de système pour absorber les radiations produites.
Une fois que la masse critique est calculée, la structure de la pile est définie. Les travaux commencent en Novembre : deux équipes de "construction" se relaient presque 24 heures sur 24. La construction se fait évidemment dans le plus grand secret.
Fermi et son équipe sont conscients de l'importance de leur tâche : le projet continue de son côté et le gouvernement investit pour mettre en place des usines. Mais tout dépend de leur succès : sans réaction en chaîne, pas de bombe atomique.
Le savant italien Fermi sera un vrai guide pour son équipe à travers les quelques mois de construction et d'expérimentation. Il montre ses capacités de leader et maitrise aussi sa science avec perfection (il est presque capable de déterminer quelle sera la dernière brique nécessaire pour commencer la réaction).
L'équipe de scientifiques de la pile de Chicago pour le quatrième anniversaire de sa conception.
Dernier rang, de gauche à droite : Norman Hilberry, Samuel Allison, Thomas Brill, Robert G. Nobles, Warren Nyer, et Marvin Wilkening. Milieu : Harold Agnew, William Sturm, Harold Lichtenberger, Leona W. Marshall, et Leo Szilard. Premier rang : Enrico Fermi, Walter H. Zinn, Albert Wattenberg, et Herbert L. Anderson.